Et, pour son plus grand bonheur, il a un deuxième kif dans
sa journée.
"Vous savez, des fois je me demande si je suis normal. La
réponse est non. Mais la réponse ne m'inquiète pas. Ce qui compte c'est la
puissance de la joie qui éclate à la vitre de nos yeux. […] Car il y a eu,
après la paix fabuleuse incarnée par le cheval mâchant, une deuxième rencontre
: un bouquet de pois de senteur sur la table. Des fleurs bleues et roses, une
haleine divine, des fantômes aristocrates, la légèreté d'un chagrin d'amour. Le
miracle, mettons cette chose au point, est toujours en deux temps : d'abord il
y a la vie plate, incontestable. Ces pois de senteur, je les avais ramenés
moi-même à la maison. Je trouvais leurs fleurs belles, mais sans plus. Le
miracle arrive dans un deuxième temps, quand s'éveille ce qui dormait sous nos
yeux, quand ce qui surgit de la vie crève nos yeux et les remplace par des yeux
d'or."
Christian BOBIN, L'homme-joie
(Paris, L'Iconoclaste, 2012).
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